Le chant populaire Guiliguia

Ce célèbre chant de Nahabed Roussinian (1819-1876) a été mis en musique par Gabriel Yeranian (1827-1862) vers 1860. Aujourd’hui, Guiliguia est devenu pour les arméniens originaires de Cilicie un véritable hymne. Nous avons choisi de présenter cette œuvre plus en détail en raison de certaines particularités concernant le texte et la musique. Guiliguia a été édité en France dans un « Recueil de chants populaires arméniens » (Schola Cantorum, Paris 1900). Annoncé comme le premier d’une série de six recueils consacrés au chant arménien, il n’eut pas de suite…
Dans un article paru en 1962 à Beyrouth (Amenoun Darékirk, pages 206-212), Garo Kevorkian rappelle que l’auteur des paroles se serait fortement inspiré d’un chant français Ma Normandie, écrit et mis en musique en 1836 par le compositeur et chansonnier Frédéric Berat sur le bateau qui le menait de Sainte-Adresse à Rouen, sa ville natale. Trente ans plus tard, il est dit à propos de cette chanson qu’on en « a tiré plus d’un million d’exemplaires,et qu’on la réimprime encore tous les jours ».
Cet emprunt de N. Roussinian a déjà fait l’objet d’un débat sur le Net,mais pour permettre aux lecteurs de se faire une opinion, nous rappelons les textes de ces deux chants (voir ci-contre).
Concernant la musique,il est curieux qu’aucun des « Yerkaran » que nous avons consultés ne donne le nom du compositeur.Une exception, celui publié en Arménie en 1970 sous la direction du compositeur Levon Astvazadourian. La partition musicale pourrait être la version originale. Levon Astvazadourian (1922-2002), dont les parents chantaient dans la chorale de Komitas à Constantinople a émigré avec ses parents de France vers l’Arménie et outre son activité de compositeur, il a été durant des dizaines d’années, responsable des publications musicales de l’Arménie Soviétique.
L’expression « musique populaire arménienne » a longtemps concerné l’ensemble des chants arméniens profanes. Le R.P. Komitas, avait choisi de séparer les chants citadins d’influence Européenne mais considérés comme populaires, des musiques arméniennes rurales.Il a donc choisi dans ses premières publications le nom de chansons rustiques. Plus tardivement, alors que Komitas
était interné à Paris, la publication de ses travaux se poursuivit sous le titre de Musique populaire arménienne.

Ma Normandie

Quand tout renaît à l’espérance
Et que l’hiver fuit loin de nous,
Sous le beau ciel de notre France
Quand le soleil revient plus doux,
Quand la nature est reverdie,
Quand l’hirondelle est de retour,
J’aime à revoir ma Normandie,
C’est le pays qui m’a donné le jour.
J’ai vu les champs de l’Helvétie,
Et ses chalets et ses glaciers,
J’ai vu le ciel de l’Italie
Et Venise et ses gondoliers,
En saluant chaque patrie,
Je me disais, aucun séjour
N’est plus beau que ma Normandie,
C’est le pays qui m’a donné le jour.
Il est un âge dans la vie
Ou chaque rêve doit finir ;
Un âge où l’âme recueille
A besoin de se souvenir :
Lorsque ma muse refroidie
Aura fini ses chants d’amour,
J’irai revoir ma Normandie,
C’est le pays qui m’a donné le jour.

 

Guiliguia

Quand sourira dans le ciel bleu
Le beau printemps saison bénie,
Ramenant dans son char de feu,
Quelque bonheur pour l’Arménie ;
Quand chaque bosquet chantera
Le doux chant de la tourterelle,
Je voudrais voir Guiliguia,
Patrie aimée autant que belle
J’ai vu les cèdres du Liban
Et de Ourioh j’ai vu la plaine
J’ai vu le ciel éblouissant
De l’Italie et de l’Ukraine.
Mais partout ma voix murmura
Songeant à l’absence cruelle
Je voudrais voir Guiliguia ;
Patrie aimée autant que belle.
Il est un âge où l’on oublie
Tous les doux plaisirs de l’amour
Qui tant charmèrent notre vie :
Triste déclin d’un si beau jour,
Pour moi pas de vaines tristesses,
Mon amour point ne périra
Car j’ai consacré ma tendresse
A ma patrie Guiliguia.

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