Romanos Mélikian (1883- 1935)

Parmi les compositeurs arméniens Romanos Mélikian occupe une place particulière. Installé dans le pays dès le début de la soviétisation, on lui doit notamment la création de l’Opéra et du Conservatoire de Musique. Ses œuvres, essentiellement mélodiques utilisant les gammes arméniennes anciennes ont permis le passage de la musique traditionnelle vers un  langage classique de style arménien. Aram Katchadourian, reprendra ces mêmes  gammes pour élaborer les bases de son langage musical…    

            Romanos Mélikian est né le 1°novembre 1883 à Kisslar cité du Nord-Caucase, connue pour la qualité de ses vignobles. Les arméniens de cette ville ont émigré de la région de Suni en 1798. Dans la plupart des familles arméniennes on chantait beaucoup, c’est ainsi que Romanos grâce reçu le goût de la musique populaire, son père Hovaguim Mélikian, vigneron, possédant une mandoline, ce sera  son premier instrument!

Sa sœur, Marguerite raconte que Romanos, durant ses études réunissait ses amis pour leur faire chanter les chants qu’il apprenait à l’école. Il rêvait de jouer du piano mais sa famille n’avait pas les moyens d’acquérir un instrument. Après la mort de son père, sa mère, en  dépit d’une situation pécuniaire très difficile, envoie Romanos étudier au séminaire de Nor Nakhitchévan (près de Rostov sur le Don). K.Tcheurékdjian, chef de chœur et musicien talentueux sera son premier professeur de musique. Romanos devient rapidement son assistant pour la direction du chœur ! En 1900, il retourne à Kisslar, organise un chœur et donnera un concert, le premier de sa carrière…

            De 1902 à 1905, Romanos étudie à l’institut de musique de Rostov et en 1906 à l’Ecole supérieure de musique de Moscou. Il travaille avec Ippolytov-Ivanov (auteur des célèbres Esquisses Caucasiennes), puis au Conservatoire populaire sous la direction du compositeur S.Danaëv. Le jeune étudiant a la chance de recevoir les conseils de grands maîtres russes mais en raison de problèmes financiers et de santé,  Romanos Mélikian  retourne au Caucase.

La Ligue Musicale Arménienne

En 1908, il enseigne la musique à l’école Hovnanian de Tiflis. Conscient du fossé qui sépare la musique classique de la musique populaire, il crée avec ses amis la Ligue Musicale dont le but est la collecte, l’harmonisation, et la diffusion de la musique arménienne. Ces actions vont enrichir la vie culturelle de Tiflis, spécialement par l’introduction de l’enseignement de la musique populaire dans les écoles arméniennes et la  publication de recueils en notation occidentale. Dans le cadre de l’activité de la Ligue on peut signaler la publication des Romances de R. Mélikian comme  Achoune, Varte, Anchadoum, Ouréni, écrites pour les étudiants. Elles constituent un nouveau répertoire de musique citadine « professionnelle » qui se distingue de la musique traditionnelle.

A 27 ans, R. Mélikian étudie au Conservatoire de Saint Petersbourg, il est en contact avec des intellectuels et artistes arméniens comme A. Spendiarian avec qui il se lie d’amitié. Il reprend ses anciennes œuvres, compose et publie en 1912 Six  mélodies populaires et un recueil de chants rustiques lyriques, dansées ou satyriques,  Esquisses. R.Mélikian qui a toujours porté un grand intérêt  à la musique populaire, citadine ou des Goussans (Achoughs) fait preuve à travers ce recueil d’une maturité musicale remarquable.

Parmi les compositions de cette période de Saint Petersbourg,  il faut signaler Achnan dorèr,  suite de mélodies écrites sur des poèmes de Vahan Dérian avec lequel R. Mélikian entretenait des liens étroits.

De retour à Tiflis en 1915 membre actif de l’Association musicale Arménienne qui a remplacé la Ligue en 1912, il écrit de nombreux articles en particulier sur les liens entre le Théâtre et la Musique.

Le compositeur se pose des questions sur le passé, le présent ou l’avenir de la musique arménienne et sur son œuvre, mais c’est la guerre : au sein de l’Empire Ottoman se déroule le génocide de son peuple. Peu après la libération des territoires arméniens, en 1916, Romanos Mélikian part à Van et avec une délégation dont le but est de secourir la population d’Arménie Occidentale. Ce qu’il voit durant son voyage le bouleverse mais le compositeur retrouve dans cette situation désespérée une nouvelle motivation pour créer. A Mouch, il collecte auprès des réfugiés quelques chants de Sassoun !

Une nouvelle vie commence… De retour à Tiflis, il compose Zemroukht, suite lyrique et pathétique et Zar-var, plus heureuse et optimiste. Cette orientation peut surprendre. Elle rappelle celle de Mardiros Sarian qui, durant la même période, peint des fleurs aux couleurs flamboyantes comme pour marquer le triomphe de la vie sur la mort !

Ces nouvelles œuvres marquent une étape importante dans l’œuvre du compositeur. S’inspirant des travaux de Komitas, il n’utilise plus les modes majeurs et mineurs de la musique européenne mais les gammes de la musique populaire ou religieuse arménienne, ouvrant ainsi une voie nouvelle à une génération de compositeurs.

Romanos Mélikian;  qui adhère aux idées de la révolution, offre ses services aux nouveaux responsables communistes d’Arménie pour participer à l’élaboration de la vie musicale du pays «  Pour notre pays, pour notre peuple » Il reçoit une invitation à venir en Arménie, le signataire du courrier n’est autre que le Poète Y. Tcharentz….

La symphonie d’un nouveau monde….

Romanos Mélikian s’installe à Erevan en 1921. La même année, durant l’été, un certain A. Katchadourian, âgé de 18 ans, se rendra pour la première fois  en Arménie avec un train qui parcourt le pays pour expliquer à la population les grandes idées de la révolution d’Octobre et donner des concerts.

  1. Mélikian devient un des principaux responsables culturels du Pays, il crée et dirige un Studio-artistique, transformé peu après en Conservatoire d’Etat de Musique, favorise l’installation en Arménie de son ami Alexandre Spendiarian. Il organise des concerts dans tout le pays, dans les villes ou  villages les plus isolés. En 1925, R. Mélikian se rend dans le Haut Karabakh, à Stepanakert pour créer une école de musique. «  Durant cette période je ne me souviens pas de ne pas avoir été présent aux commémorations politiques ou officielles à la fois comme responsable ou comme artiste »
  2. Mélikian a joué un rôle considérable pour la création de l’Opéra à Erevan (inauguré en 1933 avec l’opéra Almast d’A. Spendiarian), dont il sera le directeur de la musique. Son action permettra la mise en place des éditions musicales d’Arménie. Il en fut, là encore, un des premiers responsables.

            En 1928 paraissent certaines de ses œuvres « Zemroukht, Zar-var, Achnan dorèr » que l’on peut considérer comme les premiers essais de la mélodie de musique arménienne soviétique. En 1929 et 1930, il publie Pionéragan et Garmipanagaïn, recueils d’anciens ou nouveaux chants politiques ou pour enfants. La plupart de ces chants sont harmonisés et arrangés pour des instruments populaires par R. Mélikian qui compose aussi des chants sur les thèmes de la période contemporaine : Le chant des nouveaux jours, l’amitié entre les peuples Olpach Hassan, le travail  Mi yérk kidèm yés aneman.

            Romanos Mélikian participe à toutes les décisions concernant la vie artistique ou la résolution des problèmes, sa mort subite à Tiflis le 30 mars 1935 mettra fin à une existence entièrement dévouée à son peuple.

                                               Alexandre Siranossian

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