Stephan Elmas (1862-1937)

1962, Genève : un jeune étudiant du conservatoire de musique lit un article publié à l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur Stephan Elmas, mort dans cette ville et cherche à retrouver les traces du musicien… C’est le début d’une aventure extraordinaire qui fera redécouvrir un musicien attachant qui a toute sa place dans l’histoire de la musique du peuple arménien.

Stephan Elmas est né en 1862 à Smyrne, dans l’Empire Ottoman. Issu d’un milieu social très cultivé, il reçoit très tôt, une formation du pianiste allemand Mr Mauser, qui lui enseigne les bases de la musique classique et le répertoire des musiques très en vogue dans  les salons de Smyrne où l’on dansait la valse, la mazurka et autres divertissements. L’adolescent, qui a perdu sa mère à la naissance, commence à composer et souhaite aller plus avant dans sa passion musicale. Ce n’est pas l’ambition de son père, mais devant sa détermination, Stephan est envoyé en juillet 1879 avec son oncle en « consultation » à Weimar en Allemagne auprès du plus grand pianiste de l’époque, Franz Liszt.

Ce grand artiste et pédagogue répondait aux parents qu’il ne fallait pas encourager les jeunes à poursuivre dans la musique. Devant leur surprise, il précisait : si l’enfant écoute les conseils de ses parents, c’est qu’il n’est pas fait pour la carrière musicale. S’il est vraiment déterminé, il n’écoutera personne !

Franz Liszt,  après avoir entendu Stephan Elmas, l’encourage et sur ses conseils, le jeune homme étudie à l’Académie de Vienne. Le jeune étudiant assiste à de nombreux concerts et rencontre les plus grands artistes de son temps. C’est ainsi qu’il découvre Wagner et fait la rencontre du grand compositeur et pianiste Anton Rubinstein,  à qui il dédiera bientôt son premier concerto pour piano.

Ses premières esquisses musicales sont devenues des valses, mazurkas, nocturnes, impromptus, polonaises sonates, préludes etc…. En 1883, il publie 6 études dédiées à Franz Liszt et une première série de poèmes musicaux au grand poète Victor Hugo. Si les premières compositions par leur style évoquent Chopin, les Poèmes musicaux  sont la marque d’un contemplatif : aubade, complainte, églogue, épilogue, ballade, élégie, chanson, idylle…

En 1886, il retourne à Smyrne pour un premier récital, et, encouragé par la réussite de son concert, il se présente le 25 février 1887 au public de Vienne à la prestigieuse salle Böesendorfer.

Stephan Elmas entame alors une carrière de pianiste-compositeur et n’hésite pas à présenter des programmes entièrement consacrés à ses œuvres. Il réside dans de nombreuses villes, principalement à Bruxelles et Paris, où il donne de nombreux concerts.  Il y rencontrera le compositeur Massenet, le pianiste E.Risler, le Prince de Lusignan.

Son répertoire de concert est centré sur ses œuvres et sur celles de Chopin, Beethoven et Schumann. Curieusement, il ignore F. Liszt….

Dans la presse, on aime à le nommer le Poète du piano ou le Chopin Arménien. Dans son répertoire on remarque ses « danses arméniennes » qu’il publiera sous le nom de « danse mélodiques ».

Il édite de nouvelles œuvres à Paris et devient correspondant d’un journal de Smyrne. Malheureusement, Stephan Elmas est  atteint dès 1897 d’une surdité partielle et  voit sa maladie s’accentuer peu à peu…

1912, il rencontre à Genève une personnalité exceptionnelle, la peintre Aimée Rapin qui dessine son portrait… Stephan Elmas souhaite rentrer au pays et part en 1913 à Smyrne et Constantinople. Se rendant compte que la situation est très tendue, il renonce à ce projet.

De retour à Genève, dans un climat de guerre, Elmas doit remettre en question sa vie passée.  Coupé de sa famille, il est complètement accablé par le sort réservé à son peuple. Sa correspondance témoigne de son désarroi et de ses tentatives de « faire quelque chose », mais sa surdité l’isole du monde et l’empêche de poursuivre son activité artistique.

La guerre finie, le Traité de Sèvres lui redonne l’espérance. Il commence à s’occuper avec efficacité de la promotion des œuvres de son amie peintre et  garde contact avec sa famille restée à Smyrne. En 1920, il acquiert la nationalité arménienne.

Septembre 1922 ! Catastrophe, Smyrne est reprise par les Turcs, mais heureusement, sa famille réussit à se réfugier en Grêce. Un peu plus tard, le Traité de Lausanne, qui raye l’Arménie occidentale de la carte, le désespère.

Dans cette situation, il trouve auprès d’Aimée Rapin un soutien qui lui permet de survivre, accueille ses cinq neveux et nièces auprès de lui et s’occupe de leur éducation. Une nouvelle raison de survivre…

En 1923, Stephan Elmas réussit à obtenir de la compagnie d’assurance suisse une réparation financière pour la perte de ses biens de Smyrne. Cela va permettre au compositeur d’éditer son œuvre à Leipzig et de commander un piano à queue à la maison Erard de Paris.

Dans le même temps, un jeune journaliste Hagop-Krikor le contacte. Leur  abondante correspondance va permettre au compositeur de renouer avec la création musicale avec une série de Poèmes musicaux (1929) dédiés au peuple arménien et deux mélodies dont  Martyre (hommage aux victimes de 1915). Il garde le contact avec les arméniens par la petite communauté de Genève, qui accueille grâce au pasteur Kraft-Bonnard des orphelins rescapés du génocide.

Hagop-Kricor l’encourage à envoyer son œuvre en Arménie soviétique. Cela sera fait en 1924 grâce  à Alexandre Spendiarian, compositeur et directeur du conservatoire d’Erevan. La vie a repris ses droits, il devient citoyen suisse.

En 1937, Stephan Elmas décède. Il sera enterré en plein centre de Genève, au cimetière de Plain-Palais. Commence alors une longue période d’oubli, accentuée par la destruction de son œuvre éditée suite à un bombardement à Leipzig en 1944.

En 1962, l’histoire redémarre : étudiant, je me retrouve face à sa tombe, orné d’un magnifique buste. Le même jour, contact est pris avec le neveu de Stephan Elmas, Kricor, qui a conservé l’ensemble de ses documents, en particulier un exemplaire de ses œuvres et son piano.

Peu à peu, la musique du compositeur  revient sur les pupitres. En Arménie, la musicologue Cécilia Prudhian publie quelques partitions. En France, un premier article sur Arménia (Marseille) suivi de nombreux autres dans la presse arménienne en Diaspora, une émission sur TF1 consacrée au compositeur, des concerts, une fondation en Suisse, des concours de piano à Erevan, la création et l’enregistrement de trois concertos en 1981 (Piano : Etson Elias, 1987 (Piano : Setrak) 2004 (Piano Armen Babakhanian).

Le rapatriement en Arménie de son piano, du buste, d’un moulage de sa main et de nombreux documents, permettent en septembre 2007  l’ouverture d’un espace Elmas, ouvert au public au sein du Musée des Arts et de la Littérature de Erevan.

La dynamique fondation Stephan Elmas créée en Suisse en 1989 a su redonner au compositeur une présence non seulement en Arménie, mais au delà des frontières par l’intermédiaire de son site www.stephanelmas.org qui offre aux visiteurs des informations sur le compositeur et la possibilité de télécharger gratuitement sa musique.

Stephan Elmas, citoyen virtuel d’Arménie, a finalement retrouvé une place au sein de son peuple, à qui il a dédié l’ensemble de son œuvre.

Enregistrements : 3 concertos pour Piano : soliste, Armen Babakhanian, Direction Alexandre Siranossian et quelques pièces pour piano seul.

                                                        Alexandre Siranossian        

fera redécouvrir

1962, Genève : un jeune étudiant du conservatoire de musique lit un article publié à l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur Stephan Elmas, mort dans cette ville et cherche à retrouver les traces du musicien… C’est le début d’une aventure extraordinaire qui fera redécouvrir un musicien attachant qui a toute sa place dans l’histoire de la musique du peuple arménien.

Stephan Elmas est né en 1862 à Smyrne, dans l’Empire Ottoman. Issu d’un milieu social très cultivé, il reçoit très tôt, une formation du pianiste allemand Mr Mauser, qui lui enseigne les bases de la musique classique et le répertoire des musiques très en vogue dans  les salons de Smyrne où l’on dansait la valse, la mazurka et autres divertissements. L’adolescent, qui a perdu sa mère à la naissance, commence à composer et souhaite aller plus avant dans sa passion musicale. Ce n’est pas l’ambition de son père, mais devant sa détermination, Stephan est envoyé en juillet 1879 avec son oncle en « consultation » à Weimar en Allemagne auprès du plus grand pianiste de l’époque, Franz Liszt.

Ce grand artiste et pédagogue répondait aux parents qu’il ne fallait pas encourager les jeunes à poursuivre dans la musique. Devant leur surprise, il précisait : si l’enfant écoute les conseils de ses parents, c’est qu’il n’est pas fait pour la carrière musicale. S’il est vraiment déterminé, il n’écoutera personne !

Franz Liszt,  après avoir entendu Stephan Elmas, l’encourage et sur ses conseils, le jeune homme étudie à l’Académie de Vienne. Le jeune étudiant assiste à de nombreux concerts et rencontre les plus grands artistes de son temps. C’est ainsi qu’il découvre Wagner et fait la rencontre du grand compositeur et pianiste Anton Rubinstein,  à qui il dédiera bientôt son premier concerto pour piano.

Ses premières esquisses musicales sont devenues des valses, mazurkas, nocturnes, impromptus, polonaises sonates, préludes etc…. En 1883, il publie 6 études dédiées à Franz Liszt et une première série de poèmes musicaux au grand poète Victor Hugo. Si les premières compositions par leur style évoquent Chopin, les Poèmes musicaux  sont la marque d’un contemplatif : aubade, complainte, églogue, épilogue, ballade, élégie, chanson, idylle…

En 1886, il retourne à Smyrne pour un premier récital, et, encouragé par la réussite de son concert, il se présente le 25 février 1887 au public de Vienne à la prestigieuse salle Böesendorfer.

Stephan Elmas entame alors une carrière de pianiste-compositeur et n’hésite pas à présenter des programmes entièrement consacrés à ses œuvres. Il réside dans de nombreuses villes, principalement à Bruxelles et Paris, où il donne de nombreux concerts.  Il y rencontrera le compositeur Massenet, le pianiste E.Risler, le Prince de Lusignan.

Son répertoire de concert est centré sur ses œuvres et sur celles de Chopin, Beethoven et Schumann. Curieusement, il ignore F. Liszt….

Dans la presse, on aime à le nommer le Poète du piano ou le Chopin Arménien. Dans son répertoire on remarque ses « danses arméniennes » qu’il publiera sous le nom de « danse mélodiques ».

Il édite de nouvelles œuvres à Paris et devient correspondant d’un journal de Smyrne. Malheureusement, Stephan Elmas est  atteint dès 1897 d’une surdité partielle et  voit sa maladie s’accentuer peu à peu…

1912, il rencontre à Genève une personnalité exceptionnelle, la peintre Aimée Rapin qui dessine son portrait… Stephan Elmas souhaite rentrer au pays et part en 1913 à Smyrne et Constantinople. Se rendant compte que la situation est très tendue, il renonce à ce projet.

De retour à Genève, dans un climat de guerre, Elmas doit remettre en question sa vie passée.  Coupé de sa famille, il est complètement accablé par le sort réservé à son peuple. Sa correspondance témoigne de son désarroi et de ses tentatives de « faire quelque chose », mais sa surdité l’isole du monde et l’empêche de poursuivre son activité artistique.

La guerre finie, le Traité de Sèvres lui redonne l’espérance. Il commence à s’occuper avec efficacité de la promotion des œuvres de son amie peintre et  garde contact avec sa famille restée à Smyrne. En 1920, il acquiert la nationalité arménienne.

Septembre 1922 ! Catastrophe, Smyrne est reprise par les Turcs, mais heureusement, sa famille réussit à se réfugier en Grêce. Un peu plus tard, le Traité de Lausanne, qui raye l’Arménie occidentale de la carte, le désespère.

Dans cette situation, il trouve auprès d’Aimée Rapin un soutien qui lui permet de survivre, accueille ses cinq neveux et nièces auprès de lui et s’occupe de leur éducation. Une nouvelle raison de survivre…

En 1923, Stephan Elmas réussit à obtenir de la compagnie d’assurance suisse une réparation financière pour la perte de ses biens de Smyrne. Cela va permettre au compositeur d’éditer son œuvre à Leipzig et de commander un piano à queue à la maison Erard de Paris.

Dans le même temps, un jeune journaliste Hagop-Krikor le contacte. Leur  abondante correspondance va permettre au compositeur de renouer avec la création musicale avec une série de Poèmes musicaux (1929) dédiés au peuple arménien et deux mélodies dont  Martyre (hommage aux victimes de 1915). Il garde le contact avec les arméniens par la petite communauté de Genève, qui accueille grâce au pasteur Kraft-Bonnard des orphelins rescapés du génocide.

Hagop-Kricor l’encourage à envoyer son œuvre en Arménie soviétique. Cela sera fait en 1924 grâce  à Alexandre Spendiarian, compositeur et directeur du conservatoire d’Erevan. La vie a repris ses droits, il devient citoyen suisse.

En 1937, Stephan Elmas décède. Il sera enterré en plein centre de Genève, au cimetière de Plain-Palais. Commence alors une longue période d’oubli, accentuée par la destruction de son œuvre éditée suite à un bombardement à Leipzig en 1944.

En 1962, l’histoire redémarre : étudiant, je me retrouve face à sa tombe, orné d’un magnifique buste. Le même jour, contact est pris avec le neveu de Stephan Elmas, Kricor, qui a conservé l’ensemble de ses documents, en particulier un exemplaire de ses œuvres et son piano.

Peu à peu, la musique du compositeur  revient sur les pupitres. En Arménie, la musicologue Cécilia Prudhian publie quelques partitions. En France, un premier article sur Arménia (Marseille) suivi de nombreux autres dans la presse arménienne en Diaspora, une émission sur TF1 consacrée au compositeur, des concerts, une fondation en Suisse, des concours de piano à Erevan, la création et l’enregistrement de trois concertos en 1981 (Piano : Etson Elias, 1987 (Piano : Setrak) 2004 (Piano Armen Babakhanian).

Le rapatriement en Arménie de son piano, du buste, d’un moulage de sa main et de nombreux documents, permettent en septembre 2007  l’ouverture au sein du Musée des Arts et de la Littérature de Erevan d’un espace Elmas, accessible au public.

La dynamique fondation Stephan Elmas créée en Suisse en 1989 a su redonner au compositeur une présence non seulement en Arménie, mais au delà des frontières par l’intermédiaire de son site www.stephanelmas.org qui offre aux visiteurs des informations sur le compositeur et la possibilité de télécharger gratuitement sa musique.

Stephan Elmas, citoyen virtuel d’Arménie, a finalement retrouvé une place au sein de son peuple, à qui il a dédié l’ensemble de son œuvre.

Enregistrements : 3 concertos pour Piano : soliste, Armen Babakhanian, Direction Alexandre Siranossian et quelques pièces pour piano seul.

                                                        Alexandre Siranossian        


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