Vincent d’indy (1875-1931)

La rédaction de mes mémoires musicales liées à la musique arménienne m’amène à rappelerle souvenir du compositeur Vincent d’Indy, contemporain de Komitas. À a Schola Cantorum dontil est co-fondateur, il eut comme élèves Levon Eghiazarian, K. Proff-Kalfayan et Ara Bartévian. On lui connaît aussi des liens actifs avec la musique arménienne. Certains souvenirs surprendront les lecteurs.

J’ai connu la musique du compositeur Vincent d’Indy au milieu des années 50, en écoutant à la radio sa Symphonie sur un chant montagnard français (1886) pour piano et orchestre. J’appréciais son lien avec la musique populaire, en particulier le second mouvement, teinté d’orientalisme. Le final, très enjoué, a longtemps servi de générique à l’émission télévisée «Les chrétiens orientaux» de Gérard Stephanesco. En 1968, peu après ma prise de fonction comme Directeur de la Musique de la ville de Romans, j’ai rédigé sa biographie pour l’inauguration d’une rue Vincent d’Indy. À cause de son château familial situé dans les collines ardéchoises, le souvenir du compositeur est encore très présent dans la Drôme. Ainsi, parmi les musiciens de l’orchestre de la Salle des Concerts de Romans, trois avaient joué sous sa direction à Valence en 1931. C’est un Recueil de chants populaires arméniens édité à Paris en 1900 et déniché grâce à Alice et Armen Samuelian à la Librairie Orientale, qui m’a permis d’établir un premier lien entre Vincent d’Indy et la musique arménienne. L’avant-propos est signé par Pierre Aubry (1874-1910) musicologue, professeur à la Schola Cantorum et la préface par Levon Eghiazarian. Vincent d’Indy a réalisé l’harmonisation avec piano de Mayr Araxie (Les Larmes de l’Araxe), première des huit mélodies présentées dans le recueil. Les autres titres sont signés par Charles Bordes, cofondateur de la Schola, G. Marty, E. Reyer, L. A. Bourgault Ducoudray, J. B. Weckerlin et G. Kasatchenko, des personnalités très connues à cette époque.
Au début du xxe siècle, Vincent d’Indy participera à plusieurs manifestations culturelles arméniennes. La bibliothèque parisienne de l’U.G.A.B, possède parmi ses trésors un document peu connu : le premier numéro de Groung (Paris 1904), revue artistique créée par K. Proff-Kalfayan qui dédie le numéro à Vincent d’Indy. Ce dernier écrit en guise de préface un article intitulé : L’arménien et son rôle artistique. On peut ainsi y lire: «Sans parler de l’intérêt que tous les artistes et tous ceux qui s’occupent d’ethnologie de ces belles mélodies, il est un point qui m’a beaucoup frappé dans votre travail: c’est l’analogie qui existe entre vos primitives mélodies religieuses, issues cependant de l’ambiance orientale, et nos chants liturgiques occidentaux pris aussi à l’état primitif.
Ce point m’est d’autant plus précieux à constater qu’il vient à l’appui d’une théorie qui m’est chère: celle de l’origine religieuse de tous les arts……Il fallait notre religion chrétienne pour donner naissance à l’art expressif duquel relève toute notre musique moderne.»
Il est utile de rappeler que les travaux de Komitas sur la musique arménienne n’étaient pas encore connus à Paris à cette époque. Ce dernier, qui avait reçu Pierre Aubry à Etchmiadzine en 1901, ne partageait pas ses théories ni celles de d’Indy concernant la musique populaire. Il publia d’ailleurs peu après une critique sévère sur le Recueil de chants populaires arméniens, précisant notamment que le choix des mélodies n’était pas représentatif de la musique arménienne. C’est probablement pour cette raison que plus tard, il ne conseilla pas à ses disciples de venir étudier à la Schola !
En prévision du cinquantenaire de la disparition de Vincent d’Indy, participant à une émission enregistrée au Château familial, j’ai connu son petit-fils, Jacques d’Indy. Il nous reçut chaleureusement et lorsque je l’ai informé des liens mis à jour entre son grand-père et la musique arménienne, il n;a pas été surpris. Alors que nous parlions de l’origine du nom d’Indy, il me dit une chose surprenante: « Les archives de notre famille remontent très loin dans l’histoire et nous étions persuadés que notre nom provenait d’une Tour située près de Saint Jean d’Acre sur les bords de la méditerranée, mais cette piste s’est révélée fausse». Il rajouta alors: «Il est possible que nous soyons d’origine arménienne.». Surpris et interloqué, je lui demande : Qu’est-ce qui vous fait penser cela? Il m’explique alors avoir lu dans un livre de Henry Troyat sur Tolstoï, une référence à un Aoul (village fortifié)

du nom de Indy situé dans les montagnes du Caucase. Devant me rendre en Arménie peu après, j’ai proposé de retrouver la position géographique précise de cet Aoul. Malheureusement, une fois sur place, je n’ai trouvé personne capable de m’aider et les choses en sont restées là… Nous ne savons pas si Vincent d’Indy a rencontré Komitas, ces deux musiciens issus de mondes très éloignés avaient cependant en commun une passion pour les musiques religieuses et populaires. Dans les archives de Marguerite Babaïan, cantatrice amie du Vartabet, existe une correspondance intéressante avec d’Indy concernant la préparation de l’hommage à l’Arménie organisé le 9 avril 1916 au grand Amphithéâtre de la Sorbonne. Durant tout le programme, Vincent d’Indy dirigea le chœur de la Schola Cantorum dans un répertoire presque exclusivement consacré à la musique de Komitas, resté en Turquie et dont la santé mentale posait de graves inquiétudes.
Au cours de mes recherches dans les archives manuscrites de Vincent d’Indy, j’ai eu la surprise de constater que sa première symphonie «Italienne» (1872), importante œuvre de jeunesse, n’avait jamais été créée. Souhaitant rendre hommage à l’implication du compositeur envers l’Arménie, je souhaitais symboliquement en diriger la création avec les musiciens de ce pays. Vingt années plus tard, cet évènement historique a enfin eu lieu, c’était le 8 avril 2005 à Yerevan et en présence de la famille de Vincent d’Indy. Peu après, cette belle œuvre oubliée par l’histoire, a été publiée en France, reprenant ainsi sa place dans la vie musicale.

 

Alexandre Siranossian

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